Le jour où tout bascule

Le soleil avait entamé sa descente depuis quelques heures déjà et il restait facilement une centaine de kilomètres avant d'arriver sur le lieu de rendez-vous. C'était l'une de ces magnifiques fin de journée où le ciel vire du bleu au rouge vif en déclinant peu à peu les nuances de violet, de jaune et d'orange. Nous roulions depuis le matin, sans prendre vraiment de pause, dans l'espoir de rejoindre nos nouveaux compagnons, val et tom, rencontrés quelques jours plus tôt à Port Hedland et qui suivaient le même itinéraire que nous. Le petit camp que nous avions choisis ensemble pour la nuit était l'un de ceux que l'on affectionne le plus, perdu loin, très loin de toute construction et nous offrant la promesse d'une énième nuit étoilée dont la beauté dépasse votre imagination.

Le jour où tout bascule
Le jour où tout bascule

Il faisait encore très chaud et la mécanique subissait la cadence infernale imposée pour traverser cette nouvelle portion de désert. Soudain une odeur acide caractéristique vient chatouiller les narines. Ça sent le liquide de refroidissement et c'est vraiment pas bon signe. On stop le van sur le bord de la route pour évaluer les dégâts. Une épaisse fumée blanche sort par le pot d'échappement et le radiateur fait un bruit de bouilloire. De "l'eau" sous pression s'échappe de quelques interstices pour s'épandre au sol, sous l'habitacle. Nos maigres connaissances en mécanique suffisent à dresser un constat amère de la scène: "C'est le joint de culasse ma p'tite dame". Il est bientôt 19h, la ville la plus proche est à 300km, il n'y a absolument aucune barre de réseau sur le téléphone et on viens de fumer le moteur de DéDé.

A peine nous réalisons le côté critique de la situation qu'un campervan surgit au loin et commence à ralentir. Il s’arrête derrière nous et c'est avec surprise que nous découvrons nos amis, censé être devant nous, qui avaient pris du retard à la pause casse croûte et qui tentaient eux aussi de nous rejoindre avant la nuit. Voilà une providence suffisamment divine pour nous aider à relativiser et à accepter notre sort avec optimisme.

J'ouvre une parenthèse à ce moment là pour vous parler du karma. Un mot bien étrange pour une conception qui l'est encore plus. Le karma est, pour résumer, une échelle du bien et du mal de l'Etre. En gros plus vous faites de "mauvaises" actions plus votre karma baisse et plus vous faites de "bonnes" actions plus il augmente. Certains pensent qui si vous réalisez des bonnes actions tout au long de votre vie, votre karma élevé vous donnera un petit coup de pouce au quotidien pour vous rendre la vie plus belle. Au contraire si vous êtes démoniaque il vous arrivera plein de tuiles.

Sans m’engouffrer dans la théologie, j'ai décidé au début de ce voyage d'éviter d'être négatif et à terme d'arrêter d'être un con. Et bien croyez le ou non ça porte ses fruits et l'apparition de visages connus cinq minutes après être tombés en panne au milieu du désert n'est là que pour m'en persuader.

Le jour où tout bascule
Le jour où tout bascule

Nous décidons de tracter DéDé jusqu’à l'aire de repos la plus proche. Nous voilà partis de nuit, avec une sangle, pour avaler les derniers kilomètres. Les immenses road-train nous doublent a fond la caisse et la peur de voir débouler un kangourou ou une vache nous contraint à rouler doucement. Pour ce soir l'aventure se termine plutôt bien, chacun aillant pensé à prendre de quoi faire un apéro correct, on oubliera vite nos malheurs.


Le lendemain nous remplissons nos sacs à dos du nécessaire de survie, démontons les objets utiles pour les donner à nos sauveurs et abandonnons notre compagnon de voyage à son triste sort au milieu de nulle part. C'est un nouveau départ pour nous avec tellement de choix pour la suite de notre aventure que nous en sommes déboussolés. Notre perte n'est que matérielle et très franchement ça n'a rien de grave.

Nous vivons l'expérience grisante de voyager avec des amis qui devaient nous déposer à la ville la plus proche et avec qui nous allons au final passer quinze jours et voyager jusqu’à Perth.

Le jour où tout bascule
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